Emma Jean (auteure), Julien Simard (révision) *
Résumé
Nous présentons une quantification de l’effet du confinement et du couvre-feu sur la violence conjugale à l’aide d’une méthodologie qui utilise les données de Google Trends en tant qu’indicateurs de phénomènes réels. L’analyse démontre que les périodes qui suivent l’interdiction des visites à domicile à la fin septembre 2020 et l’imposition du couvre-feu en janvier 2021 présentent des volumes moyens de recherche portant sur la violence conjugale qui sont plus élevés que durant la période pré-pandémique ou durant la période du premier confinement au printemps 2020. Le modèle ARIMA utilisé pour l’analyse de la série chronologique montre que l’imposition de ces mesures a été suivie de valeurs saisonnières anormalement élevées dans les recherches sur la violence conjugale, ces valeurs marquant une rupture avec la tendance stationnaire de la série pré-pandémique. Compte tenu de la capacité prédictive reconnue des données de Google Trends, le fait que les recherches sur la violence conjugale aient augmenté après l’imposition de ces mesures sanitaires suggère que leur introduction a été suivie d’une augmentation de la violence conjugale au Québec.
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Introduction: la violence conjugale et le confinement
Dans notre premier billet sur le couvre-feu, nous avons souligné, à la lumière des données québécoises, que son efficacité apparaissait douteuse, notamment parce qu’il ne semblait pas réduire le nombre de contacts liés aux visites à domicile (1). Ce n’est évidemment pas un scepticisme face aux dangers de la COVID qui nous a poussé à publier une analyse critique du couvre-feu, mais plutôt une réflexion socio-anthropologique sur ses effets négatifs importants, ses dommages collatéraux. Vouloir à tout prix réduire les contacts sociaux par le biais de mesures répressives visant à imposer – par le haut – un confinement strict, souvent sans égards aux réalités vécues sur le terrain, est une stratégie dont les effets secondaires nous semblent disproportionnés par rapport à son efficacité, en plus d’être profondément injuste. En effet, les conséquences sont plus importantes sur les populations qui sont déjà marginalisées. Le fait est que même les études citées par les partisans du couvre-feu pour en justifier l’efficacité décrivent les confinements stricts et les couvre-feu comme des mesures « nucléaires » ayant effets collatéraux substantiels, notamment sur les sociétés, les relations sociales, la santé mentale et les droits humains.
Parmi ces effets négatifs, un des plus saillants réside dans l’augmentation probable de la violence envers les femmes en contexte conjugal et domestique. Dès le début de la pandémie, de multiples publications scientifiques, tant au Québec qu’à l’international, ont souligné le risque important d’une augmentation de la violence envers les femmes en lien avec les mesures de confinement.
Bien que de nombreux groupes de femmes aient tiré à plusieurs reprises la sonnette d’alarme au sujet de l’augmentation de la violence conjugale et des féminicides, il n’y a eu jusqu’ici que peu d’études tentant de mesurer l’effet du confinement et du couvre-feu sur la violence conjugale. Il s’agit d’un phénomène notoirement difficile à mesurer, ces crimes étant chroniquement sous-déclarés, et ce pour une variété de raisons allant de la nature des pratiques policières, de la prise en charge juridique déficiente, en passant par le manque de ressources, l’isolement social des victimes et la peur de représailles de la part de l’agresseur.
Méthodologie
Nous proposons ici une approche différente pour tenter de quantifier l’effet des mesures de confinement et du couvre-feu sur la violence conjugale à l’aide des données de Google Trends. Google Trends fournit des données, organisées en séries chronologiques, qui dressent un portrait quantitatif des recherches effectuées par les utilisatrices et utilisateurs dans le fameux moteur de recherche. Depuis leur publication, ces données ont été utilisées comme indicateurs de phénomènes réels dans le cadre de multiples études scientifiques, dont plusieures ont été publiées dans de grandes revues comme Nature, PLOS One ou bien PNAS.
La logique derrière la méthode est que les recherches internet sont un bon indicateur des préoccupations des individus et du type de problématiques qu’ils rencontrent dans la réalité. De fait, les données des moteurs de recherche internet ont montré une bonne capacité à mesurer de nombreux phénomènes, comme par exemple le passage à l’acte en matière de suicide, le taux de fertilité, l’insécurité économique, les épidémies d’influenza, le comportement des consommateurs et, bien sûr, la violence conjugale. Notons que la méthode ne permet pas d’établir la prévalence réelle des phénomènes, évidemment, mais nous donne des moyens de mesurer son évolution dans le temps.
Nous avons téléchargé des séries chronologiques représentant le volume de recherche pour un ensemble de mots-clés relatifs à la violence conjugale pour le Québec, entre le 8 mai 2016 et le 24 avril 2021, pour un total de 260 semaines. Une moyenne mobile (de 4 semaines) a été calculée pour les analyses chronologiques, de manière à atténuer l’effet des variations hebdomadaires qui pouvaient être assez importantes. La moyenne mobile permet en effet d’afficher la tendance plus générale des séries de données à l’étude, au-delà des fluctuations temporelles de courtes durées qui contiennent une certaine proportion de bruit. Parmi toutes ces données, nous avons choisi d’analyser principalement une catégorie de mots-clés nommée « intimate partner violence » (en français: violence par un partenaire intime). Il s’agit d’une catégorie de recherche, définie par Google, qui inclut toutes les recherches par mots-clés liées à la violence commise par un partenaire intime envers un-e autre partenaire. La catégorie inclut donc toutes les recherches, effectuées dans toutes les langues, qui sont en lien avec le sujet « intimate partner violence ». Une description plus précise de la méthodologie est fournie à l’annexe 1, et les forces et les limites de l’étude sont discutées à l’annexe 2.
Résultats
- Statistiques descriptives
Les résultats de l’analyse descriptive, présentés à la figure 1, montrent clairement une augmentation statistiquement significative des recherches Google liées à la violence conjugale entre la période qui précède la pandémie et la période pandémique. Entre le premier confinement et la période qui suit le couvre-feu, la différence est presque du simple au double, et est statistiquement significative. La différence entre le deuxième confinement et le couvre-feu est importante, avec une augmentation du nombre de recherches Google, qui passent d’une moyenne de 40 à une moyenne de 55. Cette dernière différence n’est toutefois pas significative statistiquement. Parce que les données présentent une saisonalité, il faut éviter de comparer les moyennes de la période pré-pandémie et de la pandémie totale aux autres périodes, parce que les premières incluent des cycles annuels complets (2).

1) Pré-confinement: 8 mai 2016 au 15 mars 2020.
2) Post-confinement: du 15 mars 2020 au 25 avril 2021.
3) Premier confinement: 15 mars au 30 mai 2020.
4) 2e confinement: 4 octobre au 9 janvier.
5) Couvre-feu: 10 janvier 2021 au 25 avril 2021.
La figure 2 permet de visualiser comment se distribuent les volumes relatifs de recherches pour la catégorie « intimate partner violence » en fonction des mêmes périodes. On remarque que pour la période pré-pandémie, 75% des semaines présentent des volumes de recherche sous la barre des 30, alors que seulement 50% des recherches pour la période complète de la pandémie se situent sous la barre des 35. Pour le premier confinement, 75% des semaines présentent des volumes de recherche sous la barre des 40, un chiffre qui descends à seulement 50% pour le second confinement. De même, 75% des semaines pour le 2e confinement présentent un volume de recherche sous la barre des 50, alors que c’est vrai pour seulement 50% des recherches pour la période qui suit le couvre-feu.
2) Tendance et analyse ARIMA
Les séries de données chronologiques comportent souvent une tendance et peuvent présenter une saisonalité, c’est-à-dire des variations qui se répètent régulièrement en fonction de certaines périodes. Par exemple, les déplacements en automobile vers les centre-villes augmentent depuis 50 ans (ce qui est une tendance), mais diminuent à tous les temps des fêtes par-rapport au reste de l’année (ce qui représente plutôt une saisonalité).
À l’aide du logiciel d’économétrie Gretl, nous avons procédé à une série de tests pour détecter la présence d’une tendance dans la série « intimate partner violence« . La série complète est présentée à la figure 3. La période pré-confinement ne montre aucune tendance à la hausse, alors que la période post-confinement en montre une. Comme la période du premier confinement ne présente pas de tendance statistiquement significative (mais échoue le test de peu), ce sont probablement les périodes du deuxième confinement et du couvre-feu qui sont responsables en grande partie de cette tendance à la hausse. Pour la période post-couvre-feu, la tendance est extrêmement claire, ce qui pourrait être normal pour une période relativement courte, mais celà contraste néanmoins fortement avec le résultat du premier confinement, une période pourtant plus courte et grossièrement comparable au niveau de la saisonalité. Le tableau 1 montre le résultat des tests statistiques que nous avons performés.

La série chronologique complète « intimate partner violence » est présentée à la figure 3. On y voit une certaine saisonalité: la fin de l’automne et la fin de l’hiver/début du printemps semblent marquer des pics de recherche relativement réguliers, alors que les périodes estivales présentent des baisses importantes. Le mois de janvier est généralement bas, sans être aussi creux que l’été.

La série chronologique montre très bien la tendance haussière dans les recherches au sujet de la violence conjugale, elle prend même la forme, bien connue des climatologues, d’un bâton de hockey. Cette forme indique une croissance rapide et anormale, elle montre que la tendance était stable mais que quelque chose s’est produit et a perturbé sa régularité. La figure 3 montre en effet une hausse subite et brutale des recherches liées à la violence conjugale depuis le couvre-feu, et ce après l’atteinte d’un plateau qui semble déjà anormalement élevé au mois de novembre, plateau qui survient environ un mois après l’interdiction des visites à domicile décrétées pour lutter contre la deuxième vague à l’automne 2020.
Le mois de janvier 2021 est lui aussi révélateur. Il est plus près des pics saisonniers de 2016 à 2019 qu’il ne l’est des valeurs saisonnières de janvier des autres années. De plus, la valeur de janvier 2021 est aussi élevée que le pic du premier confinement. Le mois de janvier est habituellement une période moyenne-basse pour les recherches Google sur la violence conjugale, par conséquent le fait qu’il affiche une valeur comparable à la période du premier confinement indique qu’on se situe dans une valeur extrême, en rupture avec les valeurs saisonnières normales de la série pré-pandémique. Ceci suggère aussi que le pic de l’automne 2020 n’est pas le résultat d’un hasard saisonnier mais plutôt l’effet d’un facteur causal qui était encore présent au mois de janvier.
Une inspection visuelle confirme ce que nous disent les tests Dickey-Fuller: il y a bien une tendance à la hausse à l’automne 2020, en rupture avec les variations saisonnières « normales ». La rupture commence quelque part vers la fin octobre et le début de novembre, et la baisse saisonnière de janvier n’est pas suffisante pour la contrebalancer et faire revenir les valeurs à des niveaux normaux.
La figure 4 montre la même tendance subite à la hause pour des mots-clés liés à la violence conjugale, dont celui d’une ligne d’appel d’urgence, SOS Violence Conjugale. Ces mots clés sont inclus dans la catégorie « intimate partner violence », et nous pouvons constater qu’ils suivent la même tendance générale.
À l’aide de la méthode ARIMA, nous avons simulé ce qui aurait dû se produire si, toutes choses étant égales par-ailleurs, la tendance et le pattern saisonnier pré-pandémie s’étaient maintenus jusqu’à aujourd’hui. Les résultats sont présentés dans la figure 5, qui montre que le pic de recherche du printemps 2021 se situe à l’extérieur de la tendance normale et présente un caractère exceptionnel. Pour le pic de recherche de l’automne 2020, la projection est moins claire. Elle montre que le pic se situe assez loin de la projection, mais tout juste à l’extérieur de l’intervalle de confiance (la zone en gris). De la même manière, la projection montre que le mois de janvier est anormalement élevé. Ces résultats sont cohérents avec ce que nous disent les statistiques descriptives de la figure 1, qui indiquent que le volume de recherches de l’automne 2020 est plus élevé que celui du printemps 2020, tout en montrant qu’une bonne partie de leurs intervalles de confiance se recoupent. La projection montre aussi que ce qui arrive avant le deuxième confinement (octobre 2020) n’est peut-être pas exceptionnel et se situe dans l’univers des mondes possibles si la pandémie n’avait pas eu lieu.

La figure 6 présente le résultat d’une simulation ARIMA qui montre ce qui aurait dû se produire si, toutes choses étant égales par-ailleurs, la tendance et le pattern saisonnier des premiers et deuxième confinements s’étaient maintenus durant le couvre-feu. On y voit assez clairement que même si on tient compte de l’effet du confinement, le pic du printemps est exceptionnel et sort clairement de ce qui aurait été normal si la tendance post-pandémie avait continué sans le couvre-feu.

Même en tenant compte de la tendance à la hausse constatée dans la période du deuxième confinement, du 4 octobre au 9 janvier, la projection ne reproduit pas la situation post-couvre-feu, comme le montre la figure 7.

c) Limites de l’analyse
Il est important de noter ici une limite évidente des analyses à partir des données de Google Trends, à savoir l’effet des cycles de nouvelles sur le nombre de recherches. Il est possible que le cycle de nouvelles ait influencé les variations dans le volume de recherche, surtout pour la fin de la série chronologique. Les mois de mars et avril 2021 ont en effet vu les médias se pencher sur la question de la violence conjugale, ce qui a conduit le gouvernement à annoncer l’ajout de fonds pour les organismes qui viennent en aide aux victimes de violence conjugale.
Nous croyons que l’effet du cycle de nouvelles sur les recherches Google est probablement réel, bien que limité. Comme nous le discutons à l’annexe 2, il est possible que le dernier pic de recherches Google, celui qui suit le couvre-feu, aurait été moins important sans l’attention médiatique sur la violence conjugale. Par contre, puisque le mois de janvier est aussi élevé que les pics pré-pandémie et que le pic du premier confinement, le maxima du printemps 2021 aurait fort probablement atteint une valeur anormalement élevée même sans l’effet du cycle des nouvelles: quand on part de plus haut, même une hausse normale nous mène à de nouveaux sommets.
La figure 8 permet de faire une analyse rapide de l’effet du cycle des nouvelles sur les recherches sur la violence conjugale au Québec. Nous avons compilé, dans le moteur de recherche Eureka, le nombre d’article ayant l’expression « violence conjugale » dans le titre, pour le Québec et pour la période du 08 mai 2016 au 25 avril 2021. La figure 8 montre que l’augmentation du nombre de recherches Google précède l’augmentation du nombre d’articles de nouvelles sur le sujet de la violence conjugale. Pour la période du 2e confinement, le retard des articles de nouvelles sur la tendance Google est très clair, le pic des recherches Google étant atteint quelques semaines avant celui des articles de nouvelles. Nous pouvons donc conclure que pour cette période, l’influence du cycle de nouvelles est minimal. En ce qui a trait à la période du couvre-feu, l’augmentation du nombre de nouvelles sur la question suit le début la tendance Google de seulement une semaine, et le pic advient durant la même semaine, celle du 21 mars 2021.
Soulignons que les nouvelles qui produisent le pic dans la série Eureka durant la semaine du 21 mars rapportent les propos d’intervenantes de terrain en matière de lutte à la violence conjugale, dont certaines affirment avoir perçu une augmentation du phénomène à partir du déconfinement partiel annoncé début mars.
Ces nouvelles sont donc le reflet d’une tendance constatée par des actrices sur le terrain. Le fait que la tendance Google reparte à la hausse dès la semaine du 8 mars alors que le cycle des nouvelles a, lui, une semaine de retard suggère que Google Trends a mesuré la même chose que les intervenantes sur le terrain, ce qui est une indication de la capacité prédictive de notre méthode. Il nous est toutefois impossible d’affirmer que le cycle des nouvelles n’a pas eu d’impact sur le nombre de recherches Google. Le simple bon sens suggère qu’il est probable que le cycle de nouvelle agisse comme un multiplicateur et ait renforcé la tendance à la hausse des recherches Google qui était déjà présente au début du printemps 2021. En l’absence d’une vérification indépendante avec d’autres indicateurs, comme par exemple les crimes déclarés à la police, il est toutefois difficile d’en quantifier l’effet. Les forces et les limites de notre analyse sont discutées plus en détail à l’annexe 2.
Discussion
Notre analyse statistique démontre que l’interdiction des visites à domicile à la fin septembre 2020 et l’imposition du couvre-feu en janvier 2021 ont été suivies de pics et de creux saisonniers anormalement élevés dans les recherches Google sur la violence conjugale. L’analyse démontre aussi que ces variations ne résultent pas de la continuation de tendances sous-jacentes qui existaient avant la pandémie, mais qu’elles sont le résultat d’une tendance à la hausse dont l’émergence coïncide avec l’imposition des mesures de confinement. De même, les sommets des pics de l’automne 2020 et du printemps 2021 sont anormalement élevés, et le niveau atteint en janvier 2021 est lui aussi anormalement élevé. Le même phénomène est perceptible dans l’analyse statistique descriptive, qui montre que les moyennes de recherche pour les périodes qui suivent le deuxième confinement sont plus élevées que la moyenne du premier confinement. Celà suggère que nous sommes en présence de facteurs causaux qui commencent à faire sentir leur effet à l’automne 2020 et qui sont encore présents au printemps 2021.
Bien que, prises globalement, ces analyses statistiques dressent un portrait décourageant de la situation, ces données ne sont malheureusement pas surprenantes. Les pandémies et les périodes de catastrophes naturelles sont très souvent des moments où la violence dirigée à l’endroit des femmes s’accentue, et plusieurs organisations, dont l’ONU, le Conseil du statut de la femme et l’INSPQ, nous avaient averti de l’existence de ce risque. Quand on ajoute à ces situations critiques des confinements stricts et des mesures comme un couvre-feu, on crée par le fait même une tempête parfaite.
Si on accepte l’idée que le volume de des recherches Google permet – même imparfaitement – de mesurer le phénomène réel, il faut bien admettre que le resserrement des mesures visant les contacts sociaux interpersonnels est suivi par l’aggravation de la violence conjugale. Plusieurs facteurs peuvent être invoqués pour expliquer cette hausse, parmis lesquels on peut compter un enfermement forcé des victimes avec leurs agresseurs, la réduction des contacts sociaux, l’augmentation du stress socio-économique et la dépendance accrue des victimes aux ressources socio-économiques contrôlées par leurs agresseurs.
Les mesures qui visent à limiter au maximum les contacts interpersonnels et forcent les individus à rester ensemble à l’intérieur sur de longues périodes sont susceptibles de faire de la maison un endroit encore plus dangereux qu’à l’habitude pour les victimes de violences interpersonnelles perpétrées par un proche. La plus grande proximité avec l’agresseur et l’augmentation forcée du temps passé en sa compagnie sont de plus exacerbées par les effets du stress socio-économique lié à la pandémie. L’augmentation du télétravail ne fait qu’ajouter encore plus de problèmes à ces situations déja extrêmement difficiles, alors que le couvre-feu enlève une des seules options qui restent à celles (et ceux) qui veulent fuir temporairement les situations trop tendues ou trop dangeureuses qui adviennent à domicile le soir et la nuit.
La réduction forcée des contacts privés a de même un impact déstabilisateur important sur les réseaux de socialisation et les solidarités qui s’y nouent. Ces réseaux fournissent en effet une partie du soutient et de l’accompagnement nécessaire pour que les victimes de violence conjugale puissent quitter leurs agresseurs, en plus de servir de refuge temporaire pour les victimes en cas de crise. De fait, plusieurs études ont montré que la présence d’un réseau social étendu avait un effet protecteur pour les victimes potentielles de violence conjugale. Dans un tel contexte, l’interdiction totale des visites à domiciles, pointées comme étant (faussement) responsables de la transmission communautaire, ne fait qu’aggraver une situation qui, déjà alarmante en temps normal, avait été poussée à la limite de la catastrophe par la pandémie.
À cet affaiblissement des liens sociaux, il faut ajouter les effets socio-économiques de la pandémie, avec l’augmentation du chômage et de la précarité économique qui en découlent. Bien que l’absence d’une hausse statistiquement significative du volume des recherches sur la violence conjugale lors du confinement du printemps 2020 suggère que l’insécurité économique en tant que telle ne soit pas un facteur causal important en l’espèce, l’insécurité économique peut néanmoins avoir un effet multiplicateur qui vient renforcer l’effet que d’autres facteurs peuvent avoir sur la violence conjugale. Lors du confinement du printemps 2020, si ces facteurs étaient absents ou n’avaient pas encore atteint un seuil critique, l’insécurité économique aurait un effet comparable à une multiplication par zéro: on ne peut pas amplifier un facteur qui a un effet nul.
Mais dans la situation où les réseaux de socialisation sont fragilisés depuis plus longtemps et où les victimes sont forcées une nouvelle fois de se confiner avec leurs agresseurs, l’effet multiplicateur peut devenir significatif. Le stress causé par la précarité socio-économique, qui est en lui-même un facteur de risque pour la violence conjugale, vient alors s’ajouter aux autres causes. De son côté, la pauvreté vient fragiliser encore plus la situation des femmes et des personnes marginalisées, deux groupes qui figurent parmi les catégories les plus à risque de subir de la violence conjugale.
En réduisant les ressources économiques auxquelles les personnes marginalisées ont accès, la pauvreté et la précarité économique ont tendance à renforcer la dépendance matérielle des victimes envers les ressources de leurs agresseurs et à limiter en conséquence leur capacité à s’en libérer. Le fait d’être privé des réseaux de contacts qui sous-tendent les activités de « débrouillardise » et permettent aux personnes plus pauvres de compenser leur manque de ressources économiques par une solidarité interpersonnelle accrue vient encore renforcer cette dépendance délétère envers les agresseurs. En ce sens, en l’absence d’une véritable politique qui vise à réduire la pauvreté sous toutes ses formes et en l’absence d’une stratégie de supression de la COVID qui autoriserait l’expression d’une sociabilité interpersonnelle minimale nécessaire au maintient du tissu social, les fonds supplémentaires alloués par le gouvernement pour faire face au problème ne resteront que de minuscules pansements sur d’énormes plaies menacées par la gangrène.
Nous soulignons aussi que les périodes qui suivent immédiatement les déconfinements présentent des dangers particuliers en ce qui a trait à la violence conjugale, comme le soulignent les intervenantes sur le terrain. Alors que les confinements renforcent l’emprise des agresseurs sur leurs victimes, les déconfinements représentent pour les agresseurs des moments de perte de contrôle durant lesquels ils sont susceptibles de devenir encore plus violents. C’est probablement la raison pour laquelle on voit les recherches sur la violence conjugale augmenter à partir du 8 mars, date du déconfinement partiel des régions oranges.
Les solutions autoritaires qui imposent par le haut des confinements stricts de longue durée accompagnés d’un couvre-feu ne sont pourtant pas les seules options disponibles. Dans un article qui évaluait l’efficacité des mesures sanitaires pour 79 territoires, Haug et ses collaborateurs ont montré que les solutions répressives et top-down ne présentaient qu’une efficacité supplémentaire marginale par-rapport à des stratégies centrées sur l’éducation, la prévention et le renforcement des communautés. Dès mars 2020, l’organisation internationale qui possède le plus d’expérience en matière de lutte contre une pandémie, l’ONUSIDA, appellait les gouvernements à adopter des approches respectueuses des droits et attentives aux personnes marginalisées, tout en recommandant de développer la confiance des populations en justifiant les mesures sanitaires par des données probantes. Il semble que des mesures comme l’éducation sur les risques de transmission en fonction des lieux et des différents types d’activité, la sensibilisation sur les moyens de protection comme les masques et la distanciation physique, la responsabilisation des individus et des communauté et leur implication dans les choix de santé publique permettent non seulement aux gens de faire des choix sensés, adapté à leur situation spécifique, mais renforcent aussi l’adhésion de la population aux mesures sanitaires.
Conclusion
Les données de Google Trends montrent une augmentation inquiétante de la violence conjugale depuis le deuxième confinement à l’automne 2020. Le couvre-feu a probablement accéléré cette tendance à la hausse, qui semble avoir atteint des niveaux jamais observés en mars et en avril 2021, même si dans ce cas le cycle des nouvelles a pu jouer un effet amplificateur. Bien que la pandémie et le stress socio-économique qu’elle induit puisse avoir contribué à intensifier les problèmes de violence conjugale, notre analyse suggère que les mesures de confinement stricts, top-down et autoritaires sont aussi en cause.
La stratégie générale de lutte à la COVID dans laquelle le couvre-feu s’inscrit cherche à limiter de force, par la répression, les contacts privés pour pouvoir maintenir des activités à caractère économique qui sont présentées comme essentielles, bien qu’elles ne le soient pas toujours dans la réalité. L’existence de solutions alternatives efficaces, respectueuses des droits humains et soucieuses des impacts négatifs importants que les mesures sanitaires peuvent avoir sur les personnes marginalisées montre que cette stratégie est un choix politique plutôt qu’une fatalité épidémiologique. Les confinements stricts et le couvre-feu sont véritablement comparables à des options nucléaires, en ce sens qu’ils ont des effets négatifs démesurés et injustifiables qui, malheureusement, affectent encore une fois les femmes et les personnes marginalisées de manière disproportionnée.
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Notes de bas de page
* L’auteure aimerait remercier François Lorenzetti et Jean-François Filliatrault pour leurs commentaires sur une version préliminaire de cet article. Évidemment, toutes les erreurs qui pourraient s’y trouver restent entièrement les miennes. ⇧
(1) Depuis, Mélanie Drolet, l’épidémiologiste principale au sein de l’étude CONNECT, a plus ou moins confirmé notre analyse : l’étude CONNECT ne permet pas de conclure que le couvre-feu a eu un effet sur le nombre de contacts. De même, elle confirme l’hypothèse que nous défendions, à savoir que les contacts à domicile varient de manière saisonnière. Mme Drolet souligne qu’il est tout de même possible que les contacts à domicile auraient augmentés de manière plus importante sans le couvre-feu, mais ne fournit aucun argument pour défendre cette opinion. ⇧
(2) Les périodes pré-pandémie et pandémie complète incluent des saisons hautes (l’automne et le printemps) comme des saisons basses (l’été), alors que les périodes du 1er confinement, du 2e confinement et du couvre-feu recoupent des périodes de l’année où, en temps normal, les recherches Google sur la violence conjugale sont plus élevées. Notons aussi que la période du 2e confinement inclut les mois de janvier et février, qui présentent généralement des moyennes assez basses sans toutefois atteindre des creux aussi clairs que les périodes estivales. ⇧
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ANNEXE 1: Méthodologie
Nous proposons une approche différente pour tenter de quantifier l’effet des mesures de confinement et du couvre-feu sur la violence conjugale à l’aide des données de Google Trends. Google Trends fournit des données, organisées en séries chronologiques, qui dressent un portrait quantitatif des recherches effectuées par les utilisatrices et utilisateurs dans le fameux moteur de recherche. Depuis leur publication, ces données ont été utilisées pour de multiples recherches, dont plusieurs ont été publiées dans de grandes revues comme Nature, PLOS One ou bien PNAS. De même, les données des moteurs de recherche internet ont montré une bonne capacité à mesurer de nombreux phénomènes, comme par exemple le passage à l’acte en matière de suicide, le taux de fertilité, l’insécurité économique, les épidémies d’influenza, le comportement des consommateurs et, bien sûr, la violence conjugale.
Les données Google Trends sont ajustées en fonction de l’activité totale sur le moteur de recherche: les recherches au sujet d’un mot-clé ou d’une catégorie de mots-clés sont divisées par le nombre total de recherches sur Google durant la même semaine. Les indices ainsi obtenus sont ensuite présentés de manière relative dans une série chronologique, de telle sorte que la (ou les) semaines(s) durant lesquelles un mot-clé donné a été le plus recherché se font attribuer une valeur de « 100 ». Pour protéger la vie privée des utilisatrices et utilisateurs, les semaines durant lesquelles le mot-clé n’a pas été suffisamment recherché pour fournir des statistiques fiables se voient assigner la valeur de 0. Les valeurs relatives sont calculées à partir d’un échantillon représentatif des recherches Google pour la période donnée. Malheureusement, Google Trends peut changer cet échantillon sans préavis, ce qui fait que les données ne sont pas toujours exactement les mêmes en fonction de la date de téléchargement. Par contre, malgré ces changements, les valeurs restent sensiblement les mêmes, ce qui permet tout de même généralement de reproduire les résultats, mais pas toujours à l’identique.
Comme ces données peuvent être paramétrées géographiquement, nous avons téléchargé des séries chronologiques représentant le volume de recherche pour un ensemble de mots-clés relatifs à la violence conjugale pour le Québec, entre le 8 mai 2016 et le 24 avril 2021, pour un total de 260 semaines. Les données ont été téléchargées le 1er mai 2021. Une moyenne mobile (de 4 semaines) a été calculée pour les analyses chronologiques (mais pas pour les statistiques descriptives), de manière à atténuer l’effet des variations hebdomadaires qui pouvaient être assez importantes. Parmi toutes ces données, nous avons choisi d’analyser principalement une catégorie de mots-clés nommée « intimate partner violence« . Il s’agit d’une catégorie de recherche, définie par Google, qui inclut toutes les recherches par mots-clés liées aux violence commises par les partenaires intimes envers leurs partenaires. Pour donner une idée, Statistique Canada défini la violence entre partenaires intimes comme englobant « un large éventail de comportements, qui vont de la violence psychologique et de l’exploitation financière aux agressions physiques et sexuelles ». Dans les données Google Trends, ces catégories sont identiques pour toutes les langues et toutes les régions, ce qui facilite les comparaisons internationales. En outre, l’utilisation d’une catégorie plutôt que d’un groupe de mots-clés spécifique – sous forme d’indicateurs booléens – a l’avantage d’inclure les recherches faites dans toutes les langues, ce qui est important pour le Québec, qui compte une minorité anglophone importante.
Pour procéder à une analyse statistique descriptive, nous avons défini cinq périodes chronologiques, de manière à évaluer l’effet des différentes mesures de confinement sur la violence conjugale:
- La période pré-confinement, qui va du 8 mai 2016 au 15 mars 2020
- La période post-confinement, qui va du 15 mars 2020 au 25 avril 2021
- La période du premier confinement, qui va du 15 mars au 30 mai 2020.
- La période du 2e confinement, qui va du 4 octobre au 9 janvier
- La période post-couvre-feu, qui va du 10 janvier 2021 au 25 avril 2021.
Finalement, à l’aide de la méthode ARIMA, nous avons analysé les variations dans le volume des recherches Google, pour évaluer la présence de tendances qui, antérieures au confinement ou au couvre-feu, auraient pu s’étendre durant la pandémie ou après l’instauration du couvre-feu et par conséquent influencer l’évolution des recherches par mot-clé après le 15 mars 2020, le 4 octobre 2020 et le 10 janvier 2021 respectivement. Pour tenir compte de l’effet des variations saisonnières importantes dans la série de données, nous avons entraîné nos modèles ARIMA sur une période d’environ un an, sauf pour le modèle présenté à la figure 7, qui cherche à modéliser une tendance apparue dans une période de plus courte durée.
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ANNEXE 2: Forces et limites de l’étude
Forces
Cette étude présente, à notre connaissance, la première analyse quantitative de la prévalence de la violence conjugale en temps de pandémie au Québec. Le traitement statistique descriptif permet de comparer les effets des mesures de confinement en fonction des différentes périodes où elles s’appliquent. L’analyse ARIMA permet de montrer que les variations observées durant certaines périodes vont au-delà des variations normales auxquelles ont pourrait s’attendre, même en prenant en compte la saisonnalité. L’analyse ARIMA permet aussi de montrer que ces changements dans les recherches Google ne sont pas le résultat d’une tendance sous-jascente qui aurait été présente avant la pandémie.
Limites
a) Le lien avec la couverture médiatique
La plus importante limite de l’étude concerne la valeur prédictive des recherches Google. Bien que la méthodologie soit reconnue comme prédictive, un intérêt médiatique soutenu pour certains sujets d’intérêt public est susceptible de biaiser les indicateurs. Dans le cas qui nous occupe, les mois de mars et avril 2021 ont vu un certain nombre de média se pencher sur la question de la violence conjugale, et le gouvernement a annoncé l’ajout de fonds pour les organismes qui viennent en aide aux victimes de violence conjugale.
Pour la catégorie « intimate partner violence » dans son intégralité, nous croyons que ce biais est probablement limité à la toute fin de la série. L’effet de discussions publiques similaires sur les recherche Google amène généralement des hausses subites mais peu durables dans les recherches par mots-clés. Par exemple, la vague de dénonciations des violences sexuelles de l’été 2020 au Québec ne produit qu’un seul pic d’une semaine en juillet pour les mots-clés « abus sexuels ». Les recherches tombent ensuite rapidement à leur niveau normal dès la semaine suivante.
Dans le cas de la série chronologique « intimate partner violence« , on observe une tendance haussière qui dure des mois, d’octobre 2020 à avril 2021. De même, les variations saisonnières semblent avoir atteintes des valeurs plancher et plafond plus élevées: ainsi, la période de janvier 2020 présente un volume de recherche comparable aux maxima atteints avant la pandémie, alors que les pics de l’automne 2020 et du printemps 2021 sont significativement plus élevés que les maxima pré-pandémie, ce qui est aussi visible sur la figure 2. Pour nous, celà suggère que s’il y a eu un effet perceptible du cycle de nouvelles sur nos données, celui-ci est limité aux dernières semaines de la série. Peut-être que le dernier pic, celui qui suit le couvre-feu, aurait été moins important sans l’attention médiatique sur la violence conjugale. Par contre, puisque le mois de janvier est aussi élevé que les pics pré-pandémie, le maxima du printemps 2021 aurait fort probablement atteint une valeur anormalement élevée même sans l’effet du cycle des nouvelles: quand on part de plus haut, même une hausse normale nous mène à de nouveaux sommets.
Une analyse rapide des articles de nouvelles publiés en français au Québec et répertoriés sur le moteur de recherche Eureka avec les termes « violence conjugale » dans le champs « titre » permet de soutenir cette opinion. La figure 8 montre les deux séries de données pour la période de la pandémie. On remarque que le pic de recherches Google de l’automne 2020 (en bleu) précède nettement, de plusieurs semaines, l’augmentation des articles de nouvelles dans les média (en rouge). De même, pour la période qui suit le couvre-feu, la tendance à la hausse dans les recherches Google débute une semaine avant l’augentation de la couverture médiatique, qui atteint un sommet dans la semaine du 21 mars.

Sur les figures 8 et 9, on voit que pour la période de mars 2021, le nombre d’articles répertoriés sur Eureka monte rapidement. Cette attention médiatique résulte d’un appel à l’action des organisations de femmes qui luttent contre la violence conjugale. Ces groupes pointaient du doigt la série noire de 7 féminicides survenus depuis le début de l’année 2020. Ils soulignaient aussi recevoir un nombre anormalement élevé de demandes d’aide depuis le déconfinement partiel débuté le 8 mars (déconfinement qui a ensuite été annulé à la fin mars).
À partir du 2e confinement, le fait que les tendances à la hausse des recherches Google commencent avant les tendances à la hausse du nombre de nouvelles publiées sur le sujet suggère que les recherches Google ne sont pas un artefact du cycle des nouvelles. De même, le fait que les recherches Google indiquent une augmentation des cas de violence conjugale au même moment que celle signalées par les actrices de terrain, dans la semaine du 8 mars, semble montrer que les recherches Google possèdent une certaine sensibilité que le cycle de nouvelles n’a pas pour détecter les tendances de la violence conjugale. Finalement, le fait que le mois de janvier 2021 soit anormalement élevé alors que le cycle de nouvelles est à plat suggère qu’un nouveau plateau a été atteint à partir de novembre 2020
Par conséquent, même si on admet que l’exposition médiatique a un effet sur le nombre de recherches (ce qui est probablement le cas), il faut souligner que le nombre d’articles de nouvelles et de reportages sur le sujet est influencé par les groupes qui interviennent sur le terrain. Quand ceux-ci perçoivent une hausse de la violence, ils tirent la sonnette d’alarme et le nombre d’articles dans les journaux augmente, ce qui pourrait expliquer pourquoi le cycle des nouvelles présente du retard sur les recherches Google.
Malgré celà, il nous est impossible d’affirmer que le cycle des nouvelles n’a pas eu d’impact sur le nombre de recherches Google. Le simple bon sens suggère qu’il est probable que le cycle de nouvelle agisse comme un multiplicateur et ait renforcé la tendance à la hausse des recherches Google qui était déjà présente au printemps 2021. En l’absence d’une vérification indépendante avec d’autres indicateurs, comme par exemple les crimes déclarés à la police, il est toutefois difficile d’en quantifier l’effet.
b) Utilisation différenciée parmis les différents groupes sociaux
Une autre limitation de l’étude est que l’utilisation des moteurs de recherche n’est pas uniforme parmi toutes les sous-populations. Les populations ayant un âge plus élevé, un niveau d’éducation plus faible et un revenu plus faible peuvent être sous-représentées dans ces données. Si les populations plus âgées sont moins susceptibles d’être victime de violence conjugale, les personnes avec des niveaux d’éducation et des revenus plus faibles sont au contraire plus susceptibles d’être victime de violence conjugale. Bien que l’étude n’ait pas pu contrôler ces facteurs, nous croyons qu’il est raisonnable de faire l’hypothèse que le biais en faveur des populations plus jeunes est contrebalancé par un biais défavorables envers les populations moins éduquées et plus pauvres. Dans cet optique, on pourrait penser que le véritable angle mort de l’étude concerne les sous-populations qui se retrouvent aux intersections entre un âge plus élevé, un niveau d’éducation plus faible et un statut de marginalisation plus important.
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ANNEXE 3: Principes de révision communautaire ouverte
La présente étude n’a pas été évaluée par les pairs ni publiée dans une revue scientifique. Nous encourageons les lectrices et les lecteurs à nous faire part de leurs commentaires critiques, que nous nous engageons à publier dans la mesure où ils prennent une forme méthodologique, épistémologique ou factuelle plutôt que polémique (bref, nous ne publierons pas les commentaire désobligeants, mais nous publierons les commentaires tels que « vous auriez dû analyser le facteur x parce que sa prise en compte pourrait changer la conclusion y« ).
Nous nous engageons aussi à améliorer, modifier ou ajouter l’ensemble des renseignements qui pourraient permettre d’améliorer nos textes ou bien de mieux contextualiser et nuancer nos arguments. Ces modifications seront documentées dans une section spécifique qui retracera l’historique des ajouts. Enfin, nous nous engageons soit à retirer les textes qui pourront être démontrés comme erronés, ou bien à inclure une notice en début de texte qui documenterait les limitations suffisamment importantes pour que les conclusions principales de l’étude s’en trouvent altérées.